L’innovation prédatrice : l’heure de la consécration juridique est venue !

Article de Thibault Schrepel, directeur du pôle innovation de D&C, paru à la faculté de SMU.
Juillet 2017

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Ces dernières années, de nombreux articles ont démontré la nécessité d’adapter les règles de droit de la concurrence aux nouvelles technologies, ce qui doit effectivement être fait. Très peu de ces écrits se sont toutefois attachés à la question des nouvelles formes d’abus de position dominante. C’est précisément ce que cette étude propose de faire.

Le processus concurrentiel encourage généralement les entreprises à baisser leurs prix, ce qui bénéficie au consommateur. Pourtant, dans certains cas, les règles de droit de la concurrence sanctionnent les prix prédateurs parce qu’ils éliminent le processus concurrentiel. Une situation similaire existe pour l’innovation. L’innovation est l’un des paramètres principaux par lesquels les entreprises se font concurrence. Elle permet aux consommateurs de bénéficier de produits nouveaux, ou améliorés. Il n’en demeure pas moins que certaines pratiques liées à l’innovation sont et doivent être considérées comme étant prédatrices. Certaines sont ainsi sanctionnées, mais aucun régime juridique ne répond spécifiquement à la question.

Cette absence d’une catégorie juridique permettant de sanctionner les pratiques anti-concurrentielles déguisées en innovation conduit les juges à créer de nombreuses erreurs judiciaires. Le fait est que la jurisprudence n’a pas encore généralisé l’étiquette d’innovation prédatrice. Cela permettrait pourtant de répondre à plusieurs des problématiques rencontrées par le droit de la concurrence au 21ème siècle.

Cet article propose ainsi de démontrer l’utilité de la notion d’innovation prédatrice. Parce que de nombreuses pratiques liées aux nouvelles technologies sont mises en oeuvre sur plusieurs continents à la fois, nous avons fait le choix de conduire une analyse comparative en droit européen et nord-américain. Ces deux ensembles juridiques ont en effet des racines communes qui permettent une véritable coordination et ils régissent également les plus importants PIB du monde, ce qui nous a semblé justifier une analyse croisée.

L’objectif de cette étude est, ainsi, de dresser le portrait de toutes les pratiques qui peuvent et doivent être condamnées sous l’étiquette d’innovation prédatrice. Elle entend également démontrer que plusieurs de ces pratiques sont aujourd’hui condamnées sous le label inadapté de « ventes liées technologiques ». La création d’une règle de droit dédiée à l’innovation prédatrice doit conduire à l’élimination de cet autre label au bénéfice d’une règle de droit qui soit à la fois cohérente, transatlantique et compréhensible par l’ensemble des décideurs.