Quelle réforme du droit des faillites ? Par Arnaud Pérès, Christophe Perchet, Juliette Loget et Hadrien Schlumberger, Davis Polk – Banque & Droit (Hors-série octobre 2013)
1. Il est sans doute banal de faire le constat des insuffisances de notre droit des faillites. Au fil des décisions de nos tribunaux, depuis bien longtemps, ses défauts sont amplement exposés et analysés à longueur de chroniques juridiques. Qui n’a déploré sa complexité, son caractère hautement imprévisible, sa lenteur, les moyens parfois dilatoires qu’il offre au débiteur, aux actionnaires et aux créanciers, ou les incohérences qu’il présente avec le droit des sûretés et les innombrables régimes dérogatoires que compte ce dernier ? Sans cesse amendé – reprisé et ravaudé, devrait-on dire –, le dispositif légal mérite une réforme en profondeur, longtemps différée en raison de la complexité de la tâche.
2. Au-delà des ouvrages et des cercles universitaires, ce constat est aussi largement partagé par les entreprises et les acteurs économiques. Le droit français, de plus en plus, apparaît comme un véritable repoussoir dans les opérations internationales. C’est ainsi que se développe la technique dite de la « double Luxco », ou les clauses d’exclusion de la France dans les contrats de financements – qui visent essentiellement à échapper au droit français du traitement des difficultés des entreprises, perçu comme arbitraire et imprévisible, au profit d’autres juridictions (Angleterre, Allemagne, Luxembourg, etc.).
Bien entendu, ce sont les entreprises et l’activité économique du pays qui pâtissent au premier chef de cette situation. L’incertitude a un coût : la raréfaction et le renchérissement du crédit, voir l’assèchement des sources de financement au moment où l’entreprise en a le plus besoin. Un indicateur de l’efficacité de la procédure collective est de mesurer la profondeur du marché de la dette dite du « DIP financing », à savoir le financement accordé aux entreprises en faillite. Ce marché, considérable aux États-Unis, où la procédure de Chapter 11 est bien connue des acteurs économiques, est quasiment inexistant en France (alors même que, dans les textes, le prêteur en période d’observation jouit théoriquement d’un privilège légal).