La réforme en cours du droit des entreprises en difficulté

Quand la Constitution s'en mêle

La réforme en cours du droit des entreprises en difficulté : quand la Constitution s’en mêle

Le respect des droits de propriété respectifs des créanciers et des actionnaires dans les entreprises en difficulté : une question de survie

Par Jérémy Martinez et Sophie Vermeille,
RTDF – N°2 2014

L’ordonnance du 12 mars 2014 (« l’Ordonnance ») qui conduit à un rééquilibrage des droits des créanciers d’entreprises en difficulté, au détriment de leurs actionnaires contribue à la modernisation du droit français des entreprises en difficulté. Elle demeure cependant insuffisante au regard des objectifs fixés par le gouvernement, à savoir :

1) Faciliter le retournement des entreprises en difficulté

2) Favoriser leur accès au crédit.

Ces deux objectifs exigent en effet de mettre un terme au traitement de faveur qu’accorde la loi aux dirigeants actionnaires.

Le Conseil d’Etat a cependant estimé que la protection que la Constitution confère au droit de propriété en général et, à celui des actionnaires en particulier, s’opposait à l’adoption des mesures envisagées dans le projet initial de l’Ordonnance opérant un rééquilibrage plus abouti en faveur des créanciers. Pour mémoire, ces mesures devaient permettre, sous certaines conditions et pour la première fois en droit français, l’éviction d’un actionnaire contrôlant et/ou la dilution forcée des actionnaires d’entreprises non financières, lorsque l’état irrémédiable des difficultés de ces dernières était avéré. La protection du droit de propriété des actionnaires n’est cependant pas absolue dans la Constitution et le droit de propriété des créanciers mérite selon nous d’être protégé au même titre que celui des actionnaires. Or, le respect du droit de propriété des créanciers est étroitement lié à la manière dont les pouvoirs publics encadrent le traitement de la défaillance d’entreprises. Empêcher par la loi les entreprises encore viables d’apurer leurs dettes en forçant leurs actionnaires à absorber les pertes (via la dilution de leurs droits ou une éviction du capital), peut constituer une violation du droit de propriété des créanciers, ces derniers étant alors mécaniquement mis à contribution. C’est sur cet équilibre entre le droit de propriété des actionnaires et celui des créanciers, que la jurisprudence du Conseil constitutionnel sera sans doute amenée à évoluer en s’inspirant de celle de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

Un équilibre satisfaisant pourrait être atteint à condition de :

1) Forcer les actionnaires à assumer leurs responsabilités quand il s’agit d’absorber les pertes en conformité avec le contrat qu’ils ont passé avec l’entreprise et toutes ses parties prenantes, y compris les créanciers financiers

2) Renforcer les droits des créanciers au cours de la procédure collective afin qu’ils soient en mesure de pouvoir contester les décisions de justice susceptibles de porter atteinte à leur droit de propriété.

Le rééquilibrage de la procédure collective en faveur des créanciers est d’autant plus nécessaire que c’est une condition sine qua non du redressement des entreprises dans la durée, de l’amélioration de leur accès au financement bancaire et, plus généralement, du développement des marchés financiers en faveur des PME. De nombreuses raisons d’ordre juridique et économique peuvent ainsi justifier l’éviction d’un actionnaire (mais aussi, le cas échéant, du créancier) lorsque la survie d’une entreprise en dépend. C’est la raison pour laquelle nous appelons les pouvoirs publics à ne pas renoncer à leur projet.

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