L'affaire Belvédère ou les effets contre-productifs du droit français

Recueil Dalloz

L’affaire Belvédère ou les effets contre-productifs du droit français

Par Sophie Vermeille, Régis Bougueil, Adrien Bézert membres de Droit & Croissance
Revue Trimestrielle de Droit Français

Que retenir de l’affaire Belvédère ?

En juin 2008, la violation par les dirigeants du groupe Belvédère de certains engagements pris vis-à-vis des prêteurs (covenants) était divulguée au marché, entraînant un effondrement du cours de sa dette.

Le 20 mars 2013, le tribunal de commerce de Dijon se prononçait sur le plan de continuation de Belvédère. Entre temps, cinq années se sont écoulées. Au cours de cette période, se sont succédées deux procédures collectives de longue durée, entrecoupées de contentieux judiciaires multiples. L’homologation du plan de continuation, prévoyant le transfert du contrôle de la société aux mains de ses principaux créanciers, pourrait clore, il faut l’espérer, la saga Belvédère.

Cette saga est perçue par certains comme une exception à partir de laquelle, il convient de ne pas extrapoler. Les circonstances de l’espèce – en particulier la personnalité des anciens dirigeants du groupe – seraient trop pittoresques. L’affaire Belvédère n’en reste pas moins un cas d’école. Elle illustre les défauts du droit français des procédures collectives qui s’avère inadapté à l’évolution de l’économie et de la finance.

Au niveau international, il existe, parmi les économistes, un large consensus autour de l’idée que la finalité première de la procédure collective devrait être la maximisation de la valeur des actifs de l’entreprise défaillante. Faisant figure d’exception, le droit des entreprises en difficulté français se fixe comme premier objectif la préservation des emplois. Cet objectif se traduit par un souci de préserver l’entité juridique – plutôt que l’activité de production de biens ou de services – et, par voie de conséquence, les dirigeants en place. Cette erreur dans le choix de la finalité principale de la norme produit des effets contre-productifs. Comme l’illustre l’affaire Belvédère, notre droit des entreprises en difficulté empêche les sociétés de se désendetter dans des proportions suffisantes, à brefs délais. Il compromet le redressement des entreprises fragiles et, à terme, fragilise l’emploi.

Le droit des entreprises en difficulté devrait plutôt permettre le transfert du contrôle de l’entreprise bien avant l’état de cessation des paiements, le cas échéant, contre le gré des actionnaires. Seule cette mesure radicale est susceptible de permettre le désendettement suffisant de la société défaillante. L’atteinte aux droits de propriété des actionnaires serait acceptable, à partir du moment où la valeur de leurs droits apparaîtrait comme négligeable au moment de la perte du contrôle. L’éviction des actionnaires serait alors proportionnée et serait en outre entourée de garanties procédurales.

La chute de Lehman Brothers a mis fin à la plus grande bulle financière qu’ait connu notre histoire. Durant la période 2003-2007, la relative faiblesse du coût du crédit a fait baisser les rendements, encourageant les investisseurs à prendre de plus en plus de risque. Les modalités de financement de l’acquisition de Marie-Brizard par le groupe Belvédère, au moyen de prêts remboursables in fine, en est l’illustration.

Face à l’augmentation générale du niveau d’endettement des entreprises en France, et plus généralement en Europe, notre système juridique doit s’adapter. Il n’est plus possible de se contenter de simples mesures conduisant à étendre la durée de maturité des prêts. Des restructurations profondes et ordonnées des bilans sont désormais nécessaires. A défaut, comme le Japon dans les années 90, la France risque de connaître une « Décennie Perdue ».

Entre avancées et manquements, retour sur une affaire qui s’avère être, tel un belvédère, un point de vue remarquable des procédures collectives françaises.

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Pour en savoir plus  : l’éviction des actionnaires en amont de la cessation des paiements